dimanche 6 décembre 2015

Plus de détails sur les derniers jours en Patagonie


Voici le récit des derniers jours dans les mots de nos cyclosophes.

Le 1er décembre 2015 / Punta Arenas
Détroit de Magellan
Passage du détroit de Magellan

Malgré la précaution de Manu de nous faire passer la nuit sur le débarcadère, le bac est parti sans nous. Recherche difficile de supermercardo chilien… Finalement, nous avons dévalisé un Cosco chilien n’ayant ni oranges, ni jambon. Le moral est quand même monté petit à petit et nous avons pris la route pour l’autre bac à Punta Delgada… 100 km plus loin. En route, nous croisons une estancia de 1876… des photos suivront.

À côté d’un kilomètre de camions, nous avons pu embarquer rapidement et nous débarquons enfin sur la Tierra del Fuego sous un soleil radieux. Nous avons tous été émus de naviguer 500 ans plus tard dans les mêmes eaux que Magellan et de débarquer sur cette terre légendaire de la fin del mondo.

30 kilomètres nous conduisent à Cerro Sombrero. Nous y passons la nuit. Petite ville à la gloire des travailleurs du pétrole qui constitue une des principales richesses de la Tierra del Fuego.


Le 2 décembre 2015
Une route proche de la déroute. Après apparemment être tombés d’accord sur la seule  route bien asphaltée à prendre, la Chanchita et les cyclistes prennent deux routes différentes. Si bien que vers 16h, aucune jonction entre les deux ne s’est établie.

L’inquiétude déjà présente depuis 14h fait émerger  différents scénarios, voire la panne, l’accident, une assalto (attaque) de la Chanchita. Nous constatons que même le téléphone de secours donné par Manu ne fonctionne pas. Les pires scénarios sont imaginés.

50 km plus loin en route de cailloux, la Chanchita se pointe. Après 150 km de recherche, elle est elle-même très  ébranlée par la chaussée très caillouteuse. On repart pour  San Sébastian, un des deux passages - frontières entre le Chili et l’Argentine sur la Tierra del Fuego.


Ces péripéties se déroulent dans la région où se situe l’ouvrage de Cavalier seul de Patricio Mannes, conseillé par Guy Le Boterf. Il relate la colonisation de cet espace à la fin du 19e siècle avec le  génocide des premiers habitants de la Tierra del Fuego. On recommande aussi le livre de Francisco Coloane, Tierra del Fuego.

Ces deux auteurs chiliens, traduits en français, mettent magnifiquement en culture, l’histoire interculturelle mouvementée, souvent tragique, du peuplement de ces contrées où s’affrontent de façon quasi archétypale vents, terre, eau et soleil sous leurs multiples formes. Voir ne suffit pas, essayer de savoir un peu est nécessaire selon le conseil de Lanzman auteur - entre autres - du Lièvre de Patagonie.

Les 3 et 4 décembre 2015
Le retour en Argentine. Passage de la frontière Chili – Argentine

Nous quittons la frontière en vélo toujours dans les paysages de steppe en espérant que les virages nous favorisent par rapport au vent.

Pendant ces deux jours, le vent se révèle la variable dominante. Soufflant d’habitude de l’ouest, et nous allant vers le sud, il nous fallait composer avec des vents de travers. Les virages à gauche, tel qu’attendus, étaient porteurs d’espoir de moindre effort. Mais, facétie de la Patagonie, ce jour-là Éole est passé de l’ouest à l’est, nous apportant, de plus, un coup de fraîcheur inattendu, sans parler de la difficulté à maintenir le cap lorsque des voitures ou camions nous doublaient.

Comme toujours, la Chanchita est apparue au bon moment et nous a menés jusqu’à Rio Grande. Après le remplissage des réservoirs de diesel et d’eau, Manu nous a trouvé un espace pour la nuit près de l’Estancia Menendez. Bien que les cyclistes aient été exposés aux éléments, c’est Manu qui s’est farci une bronchite en voie de guérison le 6.

Le matin du 4, réveil dans la pluie glaciale. Prenant notre courage à deux mains, c’est en Chanchita que nous allons jusque Tolhuin. Là, nous avons visité le musée des Selk’namC’est là que le support des vélos rend l’âme, et à partir de là, nous devons compter seulement sur les vélos.

Bernard et Gaston
Ces vélos sont sous la haute surveillance technique de Bernard. Selles, dérailleurs, axes de roue, moyeux, freins, gonflage, qui quotidiennement nous permettent d’affronter même les routes caillouteuses. À notre grande surprise, les avaries ainsi contrôlées, nos montures tiennent la route.

Manu réussi à trouver un poste de soudure et à faire même les soudures nécessaires. Nous n’avons jamais eu un si beau support à vélos. À Tolhuin, en vélo, on quitte la route droite de la steppe et des environnements désertiques pour retrouver les routes de montagnes.

On s’achemine jusqu'à 60 km de Ushuaïa en campant au bord d’un lac habité par des castors, sous la garde de trois affectueux chiens. Belle promenade champêtre de Gaston et Bernard autour du lac. Paysage de sorcière avec des arbres improbables couverts de lichen.

Michel nous a gratifié d’un poulet à la diable, qui nous a heureusement distrait des pâtes de Bernard, qui n’avaient rien de la saveur italienne. Les compétences culinaires de Gaston le cantonnent à un rôle d’incomparable plongeur.

Le samedi 5 décembre 2015
Jour éminent de l’atteinte de l’objectif

À notre grande surprise, le temps est très favorable, bonne température, vent discret. Partant du lac, la surprise fut dans la montée de 12-15 km vers le paso Garibaldi. Ouf!!!

La densité de la forêt, les paysages, les cascades et les torrents, l’immense lac Fagnano, la neige, la redécouverte des sommets des Andes nous enchantent après la grande monotonie de la steppe.

Canal de Beagle
Descente bienheureuse pour les derniers km avant de voir s’inscrire Ushuaia aux portes de la ville. Il nous restait 6 km à franchir dans la zone industrielle avant d’atteindre le centre de la ville et le panneau de la Fin del mundo.

Cela méritait, pour certains, une messe d’action de grâce, et pour tous, bière et parilla (viande grillée) argentine, fuégienne et festive. Sur ce, nous avons dormi au bord du Canal de Beagle.

Dimanche 6 décembre 2015
La matinée s’est passée en mer, à la recherche des manchots, otaries, cormorans et île des Éclaireurs avec son phare, qui nous a donné un franc recul pour admirer la majestueuse baie d’Ushuaïa.

D’un des rares matins ensoleillés, nous avons brusquement été projetés dans le froid et le vent patagonien proverbial et devenu pour nous presque familier.

Nous projetons maintenant dans la douleur d’aller visiter le cimetière, en se souvenant que l’on est dans un endroit qui jadis fut un bagne. Et visite du Musée del fin del mundoavant les festivités programmées.

Puis, nouvelle nuit à la fin du monde avant de repartir vers un monde plus septentrional et paradoxalement plus chaud. 


4 commentaires:

Armelle et Jacques Serizel a dit…

Bon alors, vous y êtes !
Félicitation à tout le monde et nous attendons un reportage imagé...
A bientôt

Armelle et Jacques

Anonyme a dit…

Cher Gaston
bravo pour ce beau périple dont les messages se lisent plus vite que le temps passé sur la selle de vélo à lutter contre et parfois avec les éléments. Quand je raconte cela à ma mère qui a le même âge que toi elle en reste scotchée sur sa chaise !
le 2 décembre on dirait dui Kenneth White.
Amitié
Dominique Cottereau

Anonyme a dit…

J'ai pris connaissance du blog de Gaston : quel courage ! Bravo à toute l'équipe !
Michèle RENAUD

Anonyme a dit…

Mes remerciements pour ce bon et beau récit de l'épopée argentine.

Les détails de l'arrivée à Ushuaia m'ont particulièrement intéressée. Cela me donne une idée de ce qui nous attend dans quelques semaines! En moins sportif, bien sûr.

Bravo pour cette expédition courageuse et venteuse.

Babeth