samedi 26 décembre 2015

« La transformation de l’humain devient une Ruta 40 incontournable »


« La transformation de l’humain devient une Ruta 40 incontournable »
Michel Maletto

Le premier matin de notre voyage, en sortant de la Chanchita, nous nous sommes retrouvés dans un environnement exceptionnel. Un lac tout calme au pied des Andes… LA carte postale, quoi! Nous avons pris le temps de nous arrêter, de nous laisser envahir par cette nature si riche et d’être à
l’écoute de ce qui pouvait émerger en nous. J’eus soudain le réflexe de lever les bras vers le soleil, tout en portant attention à mes pieds en contact avec la terre. Je prenais conscience – dans la mesure où l’on peut le faire – de l’immensité de l’Univers. J’avais lu durant l’année les dernières recherches des astrophysiciens qui témoignaient des plus récentes hypothèses du développement de l’Univers. À partir de ce matin-là, l’immensité de l’Univers a commencé à prendre une importance que je n'avais jamais perçue auparavant. Elle m’habite depuis ce jour.

Michel Maletto
Puis, nous entamâmes notre balade.

La Patagonie, avec la RUTA 40 qui la traverse, est un véritable désert. J’étais sidéré par la distance qu’il fallait parcourir pour nous rendre jusqu’à la Tierra del Fuego. Le mot distance prenait un sens que je n’avais jamais envisagé. Rouler des heures dans cet environnement si beau, si pur, si sain a fait naître en moi cette réflexion que nous faisons présentement… sur cette planète à sauver. Seul sur cette route, avec mes deux collègues, j’ai commencé à me dire que nous, les humains, devions faire un reset et repartir à neuf. Malgré toute la bonté des hommes, et surtout des femmes, nous nous étions sérieusement égarés dans le sens à donner à notre existence. Nous devions réfléchir à comment nous redonner cette Terre, telle que ses premiers habitants avaient dû la trouver, en d’autres temps.

En Patagonie, comme partout en Amérique et ailleurs sur la planète, il faut prendre conscience que nous, hommes modernes, et particulièrement les Occidentaux, n’avons pas su comment nous enrichir des cultures millénaires qui nous ont précédés.

Ce sont surtout ces pensées qui m’ont habité, durant toutes ces heures à pédaler sur les routes désertiques, entouré des horizons et des éléments de la nature : air, terre, eau et feu.

Nos journées oscillaient entre l’immensité des lieux et la proximité – pour ne pas dire la promiscuité – de notre quotidien de randonneurs. La vie commune m’a fait réfléchir sur ma façon d’être avec mes collègues et sur la simplicité volontaire de notre mode de vie dans la Chanchita [1]. J’en ai tiré aussi une série de leçons.

Depuis mon retour d’Argentine, d’autres réflexions remontent à la surface. Tout au sud de la Patagonie, UshuaÏa, dernier patelin habité par l’homme, est surnommé la « fin del Mundo ». Nous y avons souvent fait allusion, mes camarades et moi, lors de nos discussions sur tous ces voyageurs qui allaient au bout du monde connu, à leurs époques : Magellan, Horne, Colomb, Cartier, etc. Je crois qu’aller au bout du monde maintenant – sauver la planète – ne peut se faire sans que chacun aille au bout de soi. La transformation de l’humain devient une incontournable RUTA 40. Sinon, la fin du monde, la fin de notre monde, risque d’être incontournable.

Toute pensée n’arrive jamais par hasard… En lien avec mes réflexions sur mon avenir, en mai dernier au Bic, il est devenu clair que j’allais m’engager dans l’écriture d’un autre livre. Cette fois-ci, ce serait différent : le sujet ne concernerait pas mon travail, mais plutôt comment utiliser les cadres de référence et les méthodologies de DO dans la transformation sociétale qui m’apparaît essentielle si nous voulons conserver et développer le patrimoine humain que nous avons entre les mains.

Je pense intituler cet ouvrage « Une bouteille à la… Terre »!

Comprenez-moi bien, cette idée se veut simple et sans prétention. Je sais trop à quel point transformer une organisation n’est pas simple. Imaginons ce que cela peut être au plan sociétal...

Mais ne pas le faire m’éloignerait de moi... Et le phare du Canal de Beagle me guide!

C’est ainsi que j’ai compris de plus en plus qu’un simple voyage en vélo, si l’on prend le temps de s’y arrêter, peut s’avérer beaucoup plus riche que l’on pourrait s’y attendre. C’est avec Gaston et l’approche des histoires de vie que j’apprends à revenir sur mes expériences et à en saisir toute la richesse. Ce texte résume ma récente randonnée à vélo sur les routes de la Patagonie, jusqu’à la Tierra del Fuego.

Commençons par un petit détour dans le Bas-Saint-Laurent… En mai 2015, j’ai eu la chance de loger au Domaine Floravie, un ensemble de maisons écologiques situé au Bic, près de Rimouski. Dans cet environnement, on ne voit que la plage, le fleuve, les montagnes de Charlevoix à l’horizon et une petite forêt à l’arrière du site. Seul avec soi et la nature.

Le mois suivant, je célébrerais mes soixante-treize ans. Or, un matin, je me suis réveillé en pensant qu’il ne me restait que deux ans pour réfléchir à ce que je souhaitais faire des vingt-cinq prochaines années de ma vie. Je trouvais ma réflexion quelque peu particulière mais c’est ainsi qu’elle a émergé, spontanément, dès le réveil. Et je sais depuis longtemps que toute pensée n’arrive jamais par hasard. J’y reviendrai.

En septembre, j’ai lancé mon cinquième livre, qui faisait partie d’un projet d’écriture que je m’étais donné pour terminer ma carrière active de consultant en développement organisationnel. Durant ce même automne, j’ai légué à l’équipe professorale du département de psychosociologie de l’UQAR un résumé des cadres de référence et des méthodologies que j’ai développés, tout au long de ma carrière. Tout cela pour dire que ce que je souhaitais réaliser dans mon domaine professionnel était accompli. Quant à mes autres secteurs de vie – famille, amitiés, forme physique et biens matériels –, le tout était à ma satisfaction. Mon avenir devenait libre.

Ainsi, ce projet de voyage en Argentine avec mes collègues Gaston et Bernard tombait à point et me permettrait de prendre une pause, dans la mesure où une balade de cinq cents kilomètres à vélo peut être qualifiée de pause. Mais selon moi, un peu comme dans les processus de créativité, c’est en se centrant sur autre chose que l’essentiel risque d’émerger.

Michel Maletto

[1] Nom du camion de notre guide aménagé en mobil-home.

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